LA COMPETENCE DE LA CIMA En signant le 10 juillet 1992 à Yaoundé (République du Cameroun) le Traité instituant une Organisation Intégrée de l’Industrie des Assurances dans les Etats africains membres de la Zone Franc et portant création de la Conférence Interafricaine des Marchés d’Assurances (CIMA), les Ministres en charge des assurances avaient certainement à cœur de doter la nouvelle Organisation des pouvoirs de décisions les plus étendus dont ils ne pouvaient pas user sous l’effet des pressions nationales et dont ne disposait pas la CICA. Ainsi, tous les pouvoirs de supervision ont-ils été conférés à la CIMA notamment à la Commission Régionale de Contrôle des Assurances (CRCA) qui en constitue l’organe de régulation. Seuls sont restés dans le domaine exclusif de la compétence des Etats, les pouvoirs de contrôle des activités des intermédiaires d’assurances et des experts techniques liés au domaine des assurances. Tous les autres pouvoirs, généralement reconnus à un organe de supervision d’assurance tels que l’agrément des compagnies d’assurances et de leurs dirigeants, le contrôle permanent de solvabilité, le pouvoir d’injonction et de sanction jusqu’au retrait d’agrément, lui sont dévolus. Très récemment, le pouvoir de contrôle sur les opérations de liquidation lui a été attribué. Elle le détient en partage avec le Juge contrôleur désigné par le Tribunal compétent. Par ailleurs, par le biais de Conseil des Ministres qui est son organe suprême, la CIMA définit la politique du secteur des assurances, élabore la législation unique, interprète et la modifie. Enfin, le Conseil des Ministres est l’unique organe de recours des décisions prises par la CRCA contre les compagnies d’assurances. En un mot, à bien voir, si le Secrétariat Général et la CRCA sont des organes techniques, le Conseil des Ministres apparaît à la fin comme législateur et comme juge. Avouons qu’il y a là matière à redire pour autant que la séparation des pouvoirs exécutif, judiciaire et législatif est un principe communément admis et une nécessité du bon ordre juridique et de la manifestation de l’état de droit. Dans l’exercice des pleins pouvoirs dévolus à la CIMA, on s’est vite aperçu que les réflexes de souveraineté nationale demeurent comme des survivances d’un passé récent. Face à ces phénomènes de rejet ou d’opposition, il a fallu agir avec tact pour éviter tout conflit flagrant compte tenu de la jeunesse de l’Organisation, mais aussi avec fermeté chaque fois que cela s’est avéré nécessaire pour affirmer définitivement l’autorité de la CIMA. La raison a toujours fini par l’emporter. La raison ! Car face au nombre des pays et à leur diversité, face à l’importance des capitaux en présence et à la diversité de leur origine, l’arme principale d’un organe de régulation supranationale est l’objectivité dont il ne faut jamais se départir. Elle a pour fondement le respect de la législation qui doit s’appliquer à toutes les compagnies indépendamment de leur nationalité et de l’origine de leurs capitaux. Il nous est également apparu, à l’expérience, que l’indépendance est une qualité de tout premier ordre d’un organe de régulation supranationale. La distanciation qu’il a par rapport aux pressions nationales, devrait permettre d’assurer son indépendance à l’égard des Etats. Mais l’indépendance se mesure aussi vis-à-vis de soi-même. Les dirigeants des organes de régulation doivent être d’une probité morale qui les protège contre les tentatives d’aliénation de toutes sortes qui ne font pas défaut car plus l’organe est sérieux et rigoureux, plus grandes et plus fréquentes sont ces tentatives. Comme vous le voyez, nous sommes en plein dans la question fondamentale des ressources humaines pour lesquelles les qualités professionnelles sont tout aussi importantes que l’éthique personnelle. En effet, si les Secrétaires Généraux de la CIMA sont élus généralement sur une base sous régionale, les Commissaires Contrôleurs qui effectuent le contrôle sur pièces et sur place sont recrutés sur concours international, sans aucun quota de nationalité. Dans le cas d’espèce, les cinq (5) Commissaires Contrôleurs de la CIMA ont été recrutés en 1996, après un concours international lancé auprès des ressortissants des treize Etats membres. Cent cinquante-six candidats ont pris part à ce concours dont l’organisation a été confiée, pour des besoins d’objectivité, à un organe extérieur à la CIMA. La formation antérieure requise, les rigueurs du concours, la formation postérieure ont conféré une expertise reconnue à ces cinq Commissaires Contrôleurs. Le nombre de cinq Commissaires Contrôleurs étant tout de suite apparu insuffisant, un deuxième concours de recrutement de deux Commissaires Contrôleurs s’est déroulé du 2 au 3 avril 2002 pour la phase d’admissibilité, et du 15 au 18 mai 2002 pour la phase d’admission. Ces deux (2) Commissaires Contrôleurs ont pris fonction depuis le 1er septembre 2002. Au cours l’exercice 2002, un des sept Commissaires Contrôleurs a été envoyé en formation à l’Ecole Nationale de Statistique et d’Administration Economique (ENSAE) de France pour une spécialisation en actuariat. Un deuxième Commissaire Contrôleur suivra le même programme au cours de l’exercice 2003. Outre les Commissaires Contrôles, le travail du Secrétariat Général de la CIMA nécessite au quotidien le recours au personnel d’encadrement et d’exécution. Par ailleurs, l’organisation du travail et les structures mises en place assurent l’indépendance et l’objectivité des travaux de la Brigade de Contrôle et de la Commission Régionale de Contrôle des Assurances (CRCA). En effet, en dehors du salaire honnête qui est servi aux Commissaires Contrôleurs pour les mettre à l’abri du besoin et des envies, les contrôles sont effectués par une équipe de deux Commissaires Contrôleurs au moins. Cette méthode garantit non seulement l’objectivité des observations mais également leur efficience. Par ailleurs, autant que possible, les dossiers des compagnies d’un Etat donné ne sont pas traités par le ou les Commissaire(s) Contrôleur(s) originaire(s) de cet Etat. Dans le même ordre d’idée, les dossiers les plus importants sont traités de manière collégiale. Cette méthode de travail nous a permis, au cours des premiers pas de la CIMA, d’éviter de nous tromper souvent dans nos avis et de mériter aujourd’hui une certaine crédibilité. De plus, la rotation dans l’accréditation des Commissaires Contrôleurs dans les différentes compagnies d’assurances déjà envisagée, est de nature à éviter une trop grande familiarité et une personnalisation du travail. Enfin, l’usage des contrats de travail à durée déterminée (trois ans), renouvelable pour les Commissaires Contrôleurs, semble constituer un facteur de poids dans la permanence de l’excellence professionnelle et de l’éthique morale. Par-dessus tout, la séparation du Secrétariat Général au sein duquel se trouve la Brigade de Contrôle de la CRCA ainsi que la composition de celle-ci, semblent être les gages les plus importants de l’efficacité, de l’objectivité et de l’indépendance de la CIMA. En effet, la Commission est composée de quatorze membres dont onze ont une voix délibérative. La compétence des membres, leur diversité rendent difficile toute tentative d’aliénation ou de subordination. En conclusion, les prérogatives ou pouvoirs doivent être exercés avec objectivité et en toute indépendance. Si la formation des hommes peut garantir la technicité d’un organe de supervision, l’organisation des structures et du travail peut en assurer l’objectivité et l’indépendance. Un grand soin doit être porté sur ces aspects. Pour une brève présentation de la législation en vigueur dans le secteur des assurances des pays membres de la CIMA, il est à noter que les opérations d’assurances sont régies par un Code des assurances unique, le Code CIMA. Celui-ci est divisé en six (6) livres. Le Livre I est consacré au contrat des assurances. Il traite par conséquent des rapports juridiques entre l’assureur et l’assuré. Ce livre est suffisamment protecteur pour l’assuré. Le Livre II est consacré aux assurances obligatoires. En réalité, pour l’essentiel, il porte sur l’assurance de responsabilité civile automobile. Son innovation la plus importante porte sur la fixation d’un tarif minimum et sur la définition des conditions d’indemnisation des victimes. A ce dernier titre, il institue la notion d’offre automatique d’indemnité par l’assureur à la victime et à ses ayants droit et en fixe les délais et les pénalités. De ce fait, il facilite le règlement des dommages corporels et en raccourcit les délais. En contre partie il énumère de manière exhaustive les préjudices indemnisables, la qualité des bénéficiaires et fixe les plafonds des indemnités liées à ces préjudices. Par l’encadrement du principe de la réparation intégrale qu’il a institué, le Code CIMA a pu mettre un terme aux abus constatés devant les juridictions et qui ont failli porter un coup fatal à l’industrie des assurances dans nos Etats, compte tenu de l’importance de l’automobile dans le portefeuille des compagnies d’assurances. Le Livre III traite des entreprises d’assurances. Il fixe l’étendue des compétences de la Commission, détermine le régime administratif des sociétés, notamment les conditions d’agrément, les règles de constitution et de fonctionnement des entreprises d’assurances. Il est important de relever que ces conditions sont les mêmes pour toutes les compagnies à forme juridique identique. Il est par exemple important de souligner que le capital social minimum exigé est de 500 millions et 300 millions de FCFA respectivement pour les sociétés anonymes et les sociétés mutuelles d’assurances. En ce qui concerne les règles de fonctionnement, ce Livre établit les normes de solvabilité requises, à savoir la couverture intégrale des engagements réglementés par des actifs admis en représentation, et la marge de solvabilité minimale. Relevons en passant que les règles d’évaluation des engagements réglementés, notamment des provisions de primes et de sinistres estimées brutes de toute réassurance et sont elles-mêmes établies comme le sont par ailleurs les règles d’évaluation des actifs admis. Ceux-ci sont énumérés dans un catalogue qui en détermine la répartition et la dispersion. Le Livre IV est consacré aux règles comptables applicables aux organismes d’assurances. Mais en plus de ces règles, ce Livre traite des règles de conservation des documents comptables, de la tenue de la comptabilité, des règles de comptabilisation des valeurs, titres, immeubles et prêts, énumère les états annuels à produire dont il prescrit la forme, donne le contenu du dossier annuel à produire, à adresser au Ministère en charge des assurances et à la Commission. De plus, ce Livre établit le plan comptable particulier à l’assurance dont il fixe le cadre comptable et dresse la liste des comptes appuyée d’une terminologie explicative et des modalités de fonctionnement. Le Livre V Ce Livre est réservé aux intermédiaires d’assurances. Après avoir classifié les différents types d’intermédiaires (agents généraux, courtiers et apporteurs d’affaires), il indique les conditions professionnelles et d’honorabilité d’accès à ces professions. L’innovation majeure de ce Livre est qu’il assujettit les intermédiaires à l’apport d’une garantie financière et celle d’une police d’assurance les couvrant contre leur responsabilité civile professionnelle. Le Livre VI traite des organismes particuliers d’assurances et plus spécialement du Fons de Garantie Automobile (FGA). La législation CIMA est en pleine mutation. Quatre vingt-quatre (84) articles ont subi des modifications depuis le 15 février 1995. Elaborée initialement dans des conditions particulières de nos marchés, elle s’adapte progressivement aux réalités locales. Enfin, la CIMA elle-même, en dépit de sa belle architecture et des résultats obtenus, n’est pas une construction achevée. Elle est en cours d’évolution. En effet, la législation actuelle ne consacre ni l’agrément unique, ni la libre souscription des contrats, ni une totale liberté des placements à travers les treize Etats membres. L’étape supplémentaire et indispensable à franchir est sans aucun doute la réalisation d’un marché unique. Share via: